mercredi 9 octobre 2013

Projections au MAC

En 2012, l’oeuvre filmique The Woolworths Choir of 1979 a valu à l’artiste Elizabeth Price le prestigieux Turner Prize, attribué annuellement à un artiste de moins de 50 ans pour la meilleure exposition de l’année au Royaume-Uni. Pour les Britanniques, ce titre évoque un tragique incendie survenu dans un magasin de Manchester le 8 mai 1979. Inséré dans l’énoncé, le mot « choir » porte toutefois l’intention première de l’artiste.

De l’analyse de l’architecture d’une église gothique du xiiie siècle à la reconstitution des causes d’un incendie, The Woolworths Choir of 1979 est soutenue par une remarquable structure rythmique.

Entièrement composée de documents d’archives, de plans et d’images repiqués sur Internet, The Woolworths Choir of 1979 combine des photos d’architecture religieuse, une performance de musique pop des années 1960 et des vues de l’incendie de Manchester. L’artiste dit qu’au départ, lorsqu’elle a commencé ce travail, elle ignorait ce que ça deviendrait. En 2011, elle avait créé une oeuvre explorant la notion d’assemblée et d’action à l’unisson. Ce premier film, intitulé tout simplement Choir, a été présenté à la Chisenhale Gallery de Londres, et par la suite en exposition solo au New Museum de New York et en Allemagne, au Bielefelder Kunstverein. Elle y explorait d’abord le sens architectural du terme choeur : l’espace physique de cette partie supérieure de la nef destinée à recevoir le clergé pour la célébration du rituel religieux ; et, dans un second temps, elle envisageait le choeur comme réunion de chanteurs qui exécutent un morceau d’ensemble. Composé de deux premières parties de ce qui deviendra une trilogie, Choir apparaît maintenant comme une ébauche initiale de The Woolworths Choir of 1979, où l’artiste intègre par extension le choeur en tant que groupe de personnes ayant une attitude commune.

The Woolworths Choir of 1979 débute par une description du choeur d’une église; une véritable lecture, avec les termes précis décrivant la configuration physique et le mobilier du choeur, que l’artiste inscrit directement sur les plans et archives photographiques. Puis, sur une musique des années 1960 - Out in the Streets du groupe pop The Shangri-Las - à partir de multiples extraits de performances tirés d’Internet, Elizabeth Price recompose un choeur énigmatique, mettant l’accent sur la synchronicité des gestes réglés à l’unisson sur le rythme et la poésie de la musique. Elle construit un choeur qui nous rappelle celui du théâtre grec, un groupe de récitants qui déclame en dansant et qui introduit l’action : « We are Chorus and we will show you how it all went up ! »

L’action, ici, c’est ce terrible incendie du magasin Woolworth de Manchester où en quelques minutes, un groupe de personnes a été réuni bien involontairement dans une attitude commune, désespérée. Elizabeth Price compose cette troisième partie autour d’un motif récurrent dans les films d’archives de la BBC, celui des appels des gens coincés à l’intérieur du magasin en feu, agitant les bras à travers les barreaux des fenêtres. Une séquence qu’elle reprend à plusieurs reprises, avec les observations quelque peu aberrantes des témoins oculaires répétant : « They were throwing the cups down. »

Les trois sections sont connectées par la répétition de ce geste d’appel, un mouvement particulier du poignet, que l’artiste associe aux gestes énigmatiques des Shangri-Las pendant leur performance et à la pose particulière des mains des figures médiévales sur les monuments funéraires dits gisants au sol des églises. Elizabeth Price renforce l’avancée implacable vers le point culminant de son film en marquant chaque courte section avec un fort son de clapet stimulant notre attention. L’ensemble est porté par le rythme syncopé des claquements de doigts et battements de mains à l’unisson.


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